Or s'il y a - et il y a - d'immenses aspirations à un autre monde et une autre vie, alors que tout est fait pour nous en dissuader, cette donnée subjective ne peut s'expliquer que par une réalité objective : les grandes idées ne tombent jamais du ciel. Marx : « L'humanité ne se propose jamais que des tâches qu'elle peut résoudre », car si le projet lui en vient, c'est nécessairement que les conditions objectives pour les résoudre sont au moins « en voie de devenir ». Pour dépasser le capitalisme vers un communisme de nouvelle génération (dépasser n'est pas exclusif de supprimer, mais l'inclut au contraire dans une vision bien plus pertinente de la transformation historique), maints présupposés seraient-ils donc objectivement en voie de devenir sous nos yeux ? Je renverse la question : comment peut-on ne pas les voir ?
Exemple : avec l'investissement sans cesse plus poussé des sciences dans la production, la productivité réelle du travail va vers de tels niveaux que l'objectif du bien-être pour tous sort de l'utopique : « À chacun selon ses besoins » n'est pas un rêve. Si on ne le voit guère, c'est que la dilapidation par le capital atteint aussi un niveau fabuleux. L'explique-t-on assez ? Casse inexprimablement ruineuse des moyens de production, des hommes, de la nature, manque à produire confondant du chômage structurel de masse, coûts stériles effarants de la concurrence, de la publicité, coulages de gestion colossaux, investissements inimaginables dans la guerre et sa préparation, prélèvements inouïs du luxe de caste, formation parasitaire et éclatement périodique de bulles financières astronomiques..., chacune de ces dix rubriques du gâchis capitaliste mondialisé pèse son millier de milliards de dollars, voire bien davantage. Et le capitalisme serait le dernier mot de l'efficacité sociale ? Et le bien-être pour tous ne serait qu'utopie ? Cette vue matérialiste des contradictions du capital comme formant, contre son gré, des présupposés négatifs et positifs de son dépassement possible, si nous savons nous en emparer, c'est tout Marx. Il nous faut mieux qu'hier penser et agir avec lui aujourd'hui. Dans l'extraordinaire frénésie néolibérale où monte la possibilité du pire pour l'humanité, s'accumulent aussi comme jamais des préconditions de son dépassement vers le meilleur.
Quand le capital en est à casser le salariat, l'heure d'un dépassement historique du salariat capitaliste ne sonne-t-elle pas ? Quand le processus productif exige l'initiative responsable des producteurs, leur intervention à part entière dans les gestions peut-elle être différée ? Quand s'emballe un peu partout ce que révèle l'explosion du phénomène Internet, le dépérissement des pouvoirs de classe au profit d'une vraie démocratie participative en tout domaine ne vient-il pas à l'ordre du jour ? Quand se généralise la crise de toutes les discriminations, se répand le souci d'une solidarité interhumaine planétaire, se fait jour en maints domaines - fût-ce de façon tâtonnante - la revendication de gratuité, peut-on hésiter à diagnostiquer l'entrée dans une transition de phase de la civilisation humaine ? « Le communisme », en tant que forme sociale aboutie, n'a jamais encore existé nulle part. C'est en quoi la visée communiste, qui donne si grand sens au combat politique et à l'engagement personnel, tient de l'utopie. Mais en même temps le communisme, sans guillemets, c'est le « mouvement réel qui dépasse l'état de choses actuel ». Ce mouvement-là, pour être efficace, a l'absolu besoin de savoir de quoi il peut partir pour mieux savoir à quoi il peut aller. Là où n'existent pas encore de présupposés objectifs du communisme, tout communisme est impossible - d'où le drame du XXe siècle. Dans le monde et la France d'aujourd'hui, de tels présupposés se mettent à foisonner. Faisons-nous assez pour les étudier comme tels et prendre appui sur eux ? Le communisme aura à coup sûr de l'avenir si nous savons le travailler au présent.
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